La traversée des mondes
Les obstacles vécus par Monstre rose durant la traversée sont à chaque fois différents: méconnaissance des habitudes culturelles et donc décalage du personnage par rapport à la norme, inadaptation à certains modes de fonctionnement du groupe, difficultés de communication, dangers pour lesquels le monstre rose n’est pas outillé, inadaptation aux conditions climatiques du pays, fatigue de l’errance. Le chemin sera long, parfois éprouvant, mais également empreint de transformations. Le personnage évolue au fil de ses voyages.
La fin du livre d’Olga présente un lieu «écosystème», où chacun trouverait sa place et aurait un rôle à jouer pour les autres, en fonction de ses compétences. Elle fait la part belle aux spécificités de chacun et à ce que nous pouvons chacun apporter, en tant qu’individu unique.
Que se passe-t-il quand un être se révèle être singulier dans un groupe ayant développé des règles, des habitudes, une norme? Que se passe-t-il quand on se sent différent? Quelles pourraient être les réactions des personnes faisant partie de la majorité? Comment favoriser la rencontre entre la singularité et la norme ambiante?
Notre identité pourrait-elle être la somme d’identités multiples, comme un confluent de différentes sources, un bagage amoncelé au fur et à mesure de nos pérégrinations? «Toutes ces appartenances n’ont évidemment pas la même importance, en tout cas pas au même moment. (…) Si chacun de ces éléments peut se rencontrer chez un grand nombre d’individus, jamais on ne retrouve la même combinaison chez deux personnes différentes, et c’est justement cela qui fait la richesse de chacun, sa valeur propre, c’est ce qui fait que tout être est singulier et potentiellement irremplaçable.» page 17, dans «Identités meurtrières» d’Amin Maalouf, édition Livre de Poche.
Pourrions-nous valoriser la singularité, de la faire émerger, d’en déployer le potentiel. «Si c’est notre regard qui enferme souvent les autres dans leurs plus étroites appartenances, c’est notre regard aussi qui peut les libérer». (p 29) Ainsi, sous le regard d’un autre bienveillant, un potentiel se donnerait à voir et à vivre. D’autant plus que l’identité de chacun «n’est pas immuable, elle change avec le temps et modifie en profondeur les comportements» (page 20).
Peut-être pourrions-nous associer à cette réflexion, celle sur les intelligences multiples, notamment en milieu scolaire, qui font la part belle à l’entraide et à la mise en commun des compétences de chacun. Nous rêvons à une société «écosystème» qui ferait émerger et privilégierait les spécificités de chacun.e.s pour les faire grandir, une sorte de permaculture de l’âme humaine.